Ajoutez un logo, un bouton, des réseaux sociaux
Par Gérard BAUDRY
Cette notice technique en 18 points concerne le travail de la terre à toutes ses étapes. Quelques rappels et recommandations utiles, des erreurs à éviter, le tout pour vous aider dans votre choix, pour une démarche cohérente et garante de réussite. La réalisation d’une céramique (au sens général du terme) est un ensemble d’opérations qui se complètent : façonnage des pièces en argile, engobage éventuel, séchage, biscuitage, émaillage et décoration, cuisson finale, sont autant d’étapes dont la réussite conditionne le résultat final. Et n’oubliez jamais que le « juge suprême », c’est le four !
L’argile, à l’état naturel, est une roche sédimentaire, issue de la décomposition de roches dures, depuis des temps géologiques très anciens, colorée pour l’essentiel par quantité de résidus organiques, animaux ou végétaux. Sa couleur apparente (noir/gris pour la terre de Saint-Amand) va faire place, lors de la cuisson de biscuit, à la vraie couleur, minérale celle-ci (saumon rosé pour cette même terre), due à la présence d’oxyde de fer. Aujourd’hui, les fournisseurs vendent aussi des pâtes, fabriquées en mélangeant les différents composants naturels de l’argile (silice, alumine, kaolin, eau…). Leur couleur ne changera que très légèrement à la cuisson, par l’évaporation de l’eau uniquement.
Ses qualités de plasticité sont évolutives, et elle se fragilise en séchant. Seule une cuisson à plus ou moins haute température (entre 950 et 1300° le plus souvent), lui permet d’être rendue plus solide. La complexité de l’ensemble des opérations de façonnage, liée aux contraintes du séchage n’est pas toujours compatible avec le fonctionnement le plus souvent hebdomadaire de nos ateliers. Il convient de bien réfléchir à sa disponibilité, à son projet, pour maîtriser la continuité de son travail, et notamment le séchage. Et cela, y compris dans le cadre de la solidarité entre les membres d’un même atelier.
Ensachées relativement molles à la sortie de la boudineuse, elles seront plus fermes si l’ensachage date de plusieurs mois. C’est une contrainte dont il faut tenir compte selon ce que vous faîtes. Si une terre est « parfaite » pour le tournage, elle ne conviendra pas du tout pour un travail à la plaque ou certaines sculptures. Dans les deux cas, il faut aviser, si possible à l’avance : si trop mou, ouvrir le sac, mettre à « tirer » (sécher) au soleil ou près d’une source de chaleur, sous surveillance ! Si trop ferme, envelopper de tissus humides, mettre dans un sac plastique et…attendre la semaine prochaine ! Il vaut mieux donc s’y prendre à l’avance, ce qui n’est pas sans poser de problème quand, dans un même atelier, les adhérents ne travaillent pas la même terre.
La chamotte est une terre cuite à haute t°, concassée, qui, mélangée à l’argile sert d’ossature à la pièce (un peu comme les gravillons dans le béton). Une terre lisse (donc sans chamotte) est propice aux pièces de petite taille (autour de 20 cm), que ce soit en modelage ou tournage. Si plus grand (de 20 à 40 cm environ), ou large (forme de plat), prenez plutôt une chamotte fine (granulométrie 0,5 maximum). Pour une pièce de 50 cm et plus une terre chamottée à 1,25-1,5 s’impose. Concernant la chamotte il n’y a pas que la granulométrie qui compte. La quantité a également son importance. Sur les catalogues des fournisseurs figure le pourcentage (20%, jusqu’à 35-40%) de chamotte par rapport au poids de terre.
L’adage selon lequel « qui peut le plus peut le moins » n’est pas forcément vrai en céramique. Une terre « à grès » ne peut s’appeler « grès » que si elle est cuite comme telle, autour de 1280°. Ne croyez pas que si vous la cuisez à seulement 1000°, elle aura la solidité du grès sous prétexte qu’elle s’appelle ainsi. Par contre, une faïence cuite à sa température « de faïence » (autour de 1000°) sera plus solide. En fait, la solidité d’une pièce est liée à sa cuisson à une t° maximum du point de vue de sa tenue au feu . Une exception cependant : le raku, pour des raisons mécaniques liées au choc thermique lors du défournement entre 800 et 1000°, il doit être fait en terre chamottée, donc le plus souvent en terre à grès, alors qu’il est cuit autour de 1000° seulement. D’où sa relative fragilité.
... alors que celles-ci sont possibles avec le bois, l’acier, le bronze ou les résines. Evitez, surtout si vous devez les transporter, les formes élancées et fines, les rajouts de parties saillantes trop fines, avec un seul point de fixation (la queue d’un chat par exemple). Une chevelure se travaille dans la masse, pas en « vermicelles » (même si cela amuse les enfants !). Si vous travaillez « à la plaque » (boîtes), utilisez une terre ferme, préparez tous les éléments séparément et ne les assemblez que quand ils seront à l’état « cuir »…
La barbotine est une terre de même nature que celle que vous utilisez, à l’état liquide, plus ou moins épaisse qui sert à assembler différents éléments d’une pièce. Seule, elle n’est pas suffisante : ce n’est pas une colle ; l’eau en s’évaporant va supprimer l’effet colle. Il convient donc de respecter une procédure appropriée : d’abord, griffez les surfaces à assembler à l’aide d’un outil métallique type aiguille ou petite fourchette, déposez la barbotine sur les deux parties, (sans la lisser), serrez bien, essuyez l’excès de barbotine (il doit y en avoir obligatoirement).
Assurez la soudure des deux parties assemblées avec un colombin fin, à l’aide d’un ébauchoir en bois, lissez (au doigt ou à l’éponge) pour que la trace de soudure n’apparaisse pas.
Ce qui vous paraît stable quand vous travaillez peut ne plus l’être quand la pièce aura séché (par évaporation de l’eau qui fait office de « colle ». ( faux ami !). Si la base de votre statuette est fine, si votre modelage repose sur ses deux pieds uniquement (équilibre instable assuré), installez-les sur un socle de terre et assurez-vous de leur verticalité. Stabilisez-la bien, y compris par l’ajout à la base (sur le socle donc) d’un élément décoratif qui aidera au maintien (rocher, animal…) et animera cette petite surface. Les éléments intrusifs (cure-dents, piques à brochettes…) sont à proscrire. Préférez des systèmes de potence extérieurs pour tenir tout ou partie de votre pièce. Et n’oubliez pas que la partie inférieure d’une pièce doit toujours être dans un état de séchage plus avancé que ce que vous ajoutez au-dessus.
Travaillez de préférence sur un support poreux : une planchette en bois ou un rondeau en plâtre, évitez le plastique ou encore directement sur une tournette en acier.
Assurez-vous que cette planchette est bien plane et d’une taille raisonnable pour la stocker sur une étagère de séchage. Evitez d’avoir à séparer votre pièce de son support à la fin du travail, vous risquez de déformer sa base.
En modelage comme en tournage, votre pièce nécessite souvent plusieurs séances de travail. Vous pouvez la protéger avec des plastiques, voir un chiffon légèrement humide, mais selon les conditions atmosphériques, le chauffage ou pas, il vaut mieux s’organiser au sein de l’atelier pour une surveillance à minima quand c’est possible. Le façonnage peut se terminer par un travail de lissage (ou polissage, voir point suivant). Des éléments décoratifs gravés peuvent être ajoutés à ce stade. La pièce terminée peut alors être mise à sécher dans la salle des fours directement. Pour les pièces tournées - et tournassées -, il vaut mieux les stocker quelques jours à l’envers dans l’atelier, sur une surface bien plane. Pour les personnes ayant prévu de décorer aux engobes (terres vernissées), cette phase de travail intervient maintenant, sur terre crue à l’état « cuir terminal » (la terre ne peut plus se déformer).
Trois mots désignant des opérations très différentes dans le travail de surface final, mais dont le but ne doit pas être le « camouflage » de défauts de façonnage. Le lissage se fait naturellement en fin de façonnage, quand la pièce arrive à l’état cuir, au doigt, avec des outils très souples ou une petite éponge légèrement humide. En fait, il s’agit plus d’un nettoyage de surface, laquelle doit conserver une bonne porosité pour l’émaillage. Le polissage est lui, une opération bien spécifique aux terres enfumées et non émaillées (raku nu, sigillées…). Il se fait en plusieurs étapes, au moyen d’outils adaptés, pendant la durée de l’état cuir. Les particules d’argile sont alors alignées jusqu’à obtenir une brillance de la surface, laquelle devient presque étanche.
Le ponçage n’a rien à voir avec tout cela. Il est à éviter au maximum car il rend la terre encore plus poreuse et, de ce fait, tend à « aspirer » l’émail en quantité excessive. Et si votre terre est chamottée, vous ne vous en sortirez pas ; plus vous poncerez, plus la chamotte ressortira. On arrive vite au contraire de l’effet recherché…
Si vous voulez éliminer quelques traces indésirables qui subsistent sur votre pièce avant de la mettre dans le four, une petit coup de « scotch brite » est toujours possible, mais…délicatement et à dose homéopathique ! Une seule dérogation permise, et incontournable, le nettoyage des terres mêlées, à sec, mais… attention à la casse. Combien de pièces ne survivent pas lors de cette opération !
Si votre pièce n’a pas été terminée à l’atelier et qu’il vous faut la transporter pour la cuisson, n’attendez pas qu’elle soit totalement sèche (surtout s’il y a des éléments saillants et fins).
Le stade « terre sèche » est celui de la fragilité maximum. Essayez de la transporter à l’état « cuir » en prenant toutes les précautions pour éviter vibrations et chocs (dans une caisse, enveloppée de mousses légères ou de journaux froissés…)
Cette première cuisson (980 °environ) se fait sous la conduite des animateurs, avec les pièces de différents ateliers afin de faire des fours complets de préférence. De même pour le défournement, qui intervient après refroidissement à 100° maximum. Le principal risque d’accident lors de cette cuisson vient de la présence de bulles d’air emprisonnées lors du façonnage de l’argile : pétrissage avec pliage d’un morceau, collage de boulettes écrasées *(sans barbotine) pour parfaire votre forme, traces d’outils en bois pour la tenue d’un élément ajouté (bras en extension), « escalopes » (plaques posées les unes sur les autres, sans barbotine, ou trop peu)… S’il vous est arrivé de voir des sculpteurs travailler ainsi (à la boulette et sans barbotine), ne vous offusquez pas. Ils font le plus souvent un moule de leur pièce, ils ne cuisent donc pas.
L’émail (ou glaçure) a deux fonctions : pratique (imperméabiliser la pièce), et esthétique (révéler ou fixer un décor). L’utilisation des émaux est complexe et requiert de l’expérience pour obtenir les effets recherchés. Les techniques sont nombreuses, et sont modestement abordées dans les différents ateliers, selon leur spécificité : raku, faïence, terre vernissée, grès… La mise en œuvre des émaux demande du temps, de la précision dans les pesées des composants (en grès), dans les différentes techniques de pose (au trempé, à la louche, par pulvérisation, au pinceau). La densité en particulier doit faire l’objet d’une grande attention. N’oubliez pas également, quand l’émail est posé, de désémailler les pieds (un demi-cm) ainsi que les fonds, et évitez les superpositions qui conduisent à des surépaisseurs, source de coulures sur la plaque du four. Le désémaillage se fait en fin d’émaillage en grès, ou juste après la pose de l’émail de base sur une faïence, afin de pouvoir ensuite exécuter le décor peint (idem en raku) sans altérer l’émail en lors des manipulations.
Un même émail va donner des effets différents en fonction de la couleur du tesson (terre biscuitée), selon qu’il est, de par sa composition, opaque ou transparent, brillant ou mat.
Sur un tesson blanc, rouge ou noir, certains émaux donneront de beaux effets, d’autres seront décevants.
Le mieux est de faire des essais ou du moins consulter les tests qui sont à votre disposition à l’atelier.
La cuisson finale peut se faire au four électrique, au four à bois, ou encore au gaz (raku pour le moment, en projet pour le grès). La cuisson au four à bois ne présente un intérêt que si vous voulez bénéficier des effets de la flamme qui lèche l’extérieur de votre pièce pendant plusieurs heures.
Au four électrique vous aurez une cuisson oxydante (présence constante d’oxygène) qui vous garantira des couleurs stables, chaudes et régulières d’une fois à l’autre. En cuisson bois dans un four à flamme renversée, l’atmosphère sera plutôt réductrice (oxygène en quantité insuffisante à chaque charge de bois, d’où fumée et légère baisse de t° à ce moment-là). Les couleurs seront un peu modifiées, plus foncées en général. Pour avoir de véritables effets de réduction (rouge de cuivre, céladons…) il faut utiliser un four à gaz dans lequel on peut véritablement maîtriser les arrivées d’air, donc d’oxygène, par rapport à celle du gaz. Projet en stand-by actuellement, volontaires attendus….
Conformément à la définition de la céramique rappelée au début de ce propos, de nombreuses autres pistes existent, qui peuvent faire l’objet d’une découverte dans un atelier comme le nôtre :
. dans les types de façonnage, moulage et coulage : techniques qu’on ne peut pas ignorer, mais difficiles à mettre en œuvre dans une structure comme la nôtre (risque de dispersion, problème de place…)
. céramique architecturale : tuiles et briques émaillées, pavements, épis de faîtage et tuiles faîtières…
. l’émaillage de la lave ou de carreaux (faïence ou grès) du commerce. Réalisation de panneaux émaillés, d’azulejos…
. la réalisation de carreaux médiévaux. Essais en cours…
. la mosaïque, sous de multiples formes : art déco, ou d’inspiration mauresque (alicatados, zelliges), à la manière de Invader…
« La céramique est le premier « art du feu » à apparaître, avant le travail du verre et du métal, à la fin de la préhistoire, au Néolithique. La céramique est non seulement un marqueur culturel dans la plupart des sociétés mais aussi le matériau le plus abondant que l’Homme ait créé.
Utilitaire ou expression artistique, elle reflète les changements des modes de vie et témoigne des progrès techniques (maîtrise des quatre éléments naturels : la terre, l’eau, le feu et l’air). Elle restitue les coutumes, les habitudes alimentaires et les pratiques cultuelles d’un peuple à une époque donnée.
Objet du quotidien, sujet d'étude ou œuvre d'exception, la céramique demeure une source inépuisable d'inspiration. »